Histoire
Berceau historique du Val d’Argent, appelé autrefois « Val de Lièpvre », la commune de Lièpvre trouve ses origines au VIIIème siècle à l’initiative et sous l’impulsion de Fulrade chapelain de Charlemagne. Pouvant être considérée comme village de moyenne montagne, elle se situe au nord du département du Haut-Rhin, pas très loin du département des Vosges tout en débordant légèrement sur celui du Bas-Rhin (la limite départementale étant constituée par le ruisseau « le Schirel » qui empiète sur notre camping du Ht Koenigsbourg).
C’est à Lièpvre que la vallée commence à s’élargir et amorce son débouché sur la plaine d’Alsace. Trait d’union entre le petit vallon de Rombach-le-franc et le haut de la vallée, notre commune, qui offre au visiteur un cadre de verdure et de détente très apprécié de ses visiteurs, s’étend sur une superficie de 1 255 ha.
A l’origine de la découverte des minerais dans le Val de Lièpvre, les moines de l’Abbaye de Lièpvre sont également les initiateurs et les édificateurs d’un important domaine terrien qui fit la force et la richesse, pendant longtemps, du prieuré de Lièpvre. Au fil des siècles, des guerres et des querelles de voisinages, ce riche patrimoine s’est effrité pour faire place de nos jours à un domaine bien plus restreint. Ainsi, et à l’heure actuelle, le seul domaine forestier soumis qui subsiste n’est plus que de 535 ha. C’est bien peu par rapport à celui de nos communes voisines.
Pendant très longtemps à vocation essentiellement rurale, la commune s’est industrialisée en même temps que ses voisines de la vallée avec l’essor de l’industrie textile à Sainte Marie-aux-Mines en fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle. En même temps qu’elles, dans les années 1950/1960 elle a souffert de la très grave crise qu’a connue l’industrie textile dans toute la vallée et même au-delà puisque l’ensemble des vallées vosgiennes fut touché.
Le redressement fut long et difficile et même parfois douloureux. L’exode fut long à être jugulé. La ténacité et la clairvoyance de quelques personnes qui « y croyaient » ont permis à notre commune qui est peuplée à ce jour de 1650 habitants (1733 si l’on tient compte de la dernière estimation faite par l’INSEE en janvier 2005) de redresser la tête. La pente fut longue à remonter. La reprise par les Cuisines SCHMIDT, des Ets DIETSCH qui avaient déposé leur bilan, fut la première pierre de la reconstruction. Nous étions bien loin, à ce moment-là, de l’usine ultra-moderne que nous connaissons aujourd’hui. Dans la continuité, la mise en place à Bois l’Abbesse d’une zone industrielle moderne et compétitive a créé les conditions d’un développement économique enviable et envié. Le magazine L’Expansion a institué le « Top 1000 » qui est un classement des 1000 entreprises françaises les plus performantes. A ce palmarès, outre les cuisines SCHMIDT qui se situent au 640ème rang, figure également une autre entreprise locale installée sur notre zone industrielle, à savoir les Ets Paul HARTMANN qui sont installés au 612ème rang.. A noter, Les Ets HENKEL et, à peu de distance de notre zone, les Ets ROSSMANNN qui ont déjà aussi figuré à ce palmarès. Bel exemple de réussite économique pour une vallée que l’on disait sinistrée. Conséquence directe de cette situation, la population de la commune est en constante augmentation, preuve d’un dynamisme économique retrouvé et d’une foi en l’avenir qui ose à nouveau s’afficher. Le village s’est transformé en une cité coquette et accueillante qui n’a plus rien à voir avec ce qu’il était voici une quarantaine d’années. Cette métamorphose est unanimement appréciée de nos visiteurs.
L’obtention du label « Pays d’Art et d’Histoire » au niveau de la Communauté de communes vient compléter le panel de nos atouts aussi variés qu’éclectiques et devrait permettre de mieux faire connaître notre riche patrimoine historique et culturel. A ce sujet, nous pouvons également évoquer la mémoire de l’écrivain et philosophe Paul GUTH qui avait des racines à Lièpvre. Les plus anciens d’entre nous se souviennent peut-être encore de la petite épicerie (aujourd’hui disparue) qui se trouvait en face de l’école communale et qui fut un temps tenue par ses grands parents. Par ailleurs, qui ne connaît dans la vallée la densité de notre tissu associatif qui allie sport, culture et loisirs ? Tout ceci fait qu’à Lièpvre il fait à nouveau bon vivre. C’est maintenant, dans un cadre agréable et rénové, respectueux de l’environnement, que chacun peut savourer pleinement le bonheur d’habiter notre jolie commune.
Petite histoire
La Milice
Les habitants de Lièpvre constituent de bonne heure une milice dont l'emblême est de taffetas jaune et noir...Les armes ne sont encore que des piques, entreposées dans les lieux publics. Au sujet de ces piques, n'ignorons pas que le premier emploi des armes à feu remonte seulement à la bataille de Crécy (1346). Nous sommes sans doute avant le XIVe siècle, au temps des archers et des arbalétriers tout au plus.
Lièpvre et Ste Croix-aux-Mines forment ensemble, une compagnie d'arquebusiers qui, placée sous la haute autorité des ducs de Lorraine, ne sert qu'à la défense intérieure de la vallée, exceptionnellement aux interventions plus éloignées. Mention est faite d'une expédition à Epinal en 1670, avec, il faut le croire, un armement qui a varié. L'expérience technique des gens de la vallée en fait de mines est mise à profit : on les emploie comme artificiers à Pont-à-Mousson (1588), en Champagne (1592).
Rapportons certain différend qui défraya la chronique du moment : Nous sommes en 1590 ; Lièpvre, Ste Croix et Ste Marie forment trois compagnies d'arquebusiers que les ducs de Lorraine se plaisent à récompenser, une fois l'an, par une distribution gratuite de chausses. Mais Lièpvre estime que la part lui revenant ne correspond pas à l'effort soutenu que sa compagnie doit consentir sur la frontière toute proche où elle veille en permanence. Lièpvre est en effet la localité la plus exposée, puisque la frontière passe par Châtenois. Il s'ensuit un procès soumis à la chambre des Comptes de Lorraine puis au conseil ducal qui donne raison à Lièpvre dont la compagnie reçoit six paires de chausses supplémentaires prélevées sur la dotation de Ste Marie...
Administration - Justice
L'administration et la justice, sont imbriquées et confiées le plus souvent au même personnage. Les maires sont, avant tout, les porte-parole des ducs de Lorraine et pas toujours ceux de la population.
Le Maire de Lièpvre reçoit une indemnité annuelle de trente francs de Lorraine. La commune possède, comme celles de Ste Croix et Ste Marie, un tribunal dont la compétence s'étend à tous les crimes et délits. On va en appel au Conseil Ducal. Mais, Lièpvre a le redoutable privilège de détenir les « bois de justice » en ce sens que la présence du prieuré bénédictin lui vaut d'être le chef-lieu administratif et judiciaire de la vallée. La potence, est-il noté par Duvernoy, s'élève un peu au-dessus de la route de « Nostre souverain seigneur ». C'est donc là que se font toutes les exécutions capitales.
Le Val de Lièpvre jouit d'une certaine coutume spéciale consignée par écrit de 1586. Elle se rapporte à l'organisation judiciaire, aux successions, contrats, mariages etc...
La peste
Il a été noté, dans l'aperçu historique, que le raid des suédois de 1633, amène la peste à Lièpvre. L'épidémie s'étend tout aussitôt à Rombach-le-Franc. Un siècle plus tôt, en 1531, puis en 1542, le val en est déjà affligé à la suite d'inévitables invasions armées. On assure même, que certain maire de Lièpvre d'alors (nom non rapporté) passe à la postérité pour « avoir été trente trois semaines parti afin de l'éviter ».
Sorcellerie et chiromancie
Sous un autre rapport, le Val en général, Lièpvre en particulier, n'échappent pas à une autre forme d'épidémie : la sorcellerie qui fait des ravages en Lorraine comme en France (fin XVIe, début XVIIe siècle).
On relève de nombreux cas à Lièpvre où des femmes surtout sont arrêtées ; les condamnations se traduisent la plupart du temps par des exécutions par le feu. Plusieurs procès sont relevés de 1571 à 1618.
Les bonnes gens de la vallée ont la terreur des sorcières, de tout ce monde qui prédit l'avenir de multiples façons, avec les cartes ou les mains, se livrant à des pratiques pour le moins suspectes.
En 1585, des femmes égyptiennes, des bohémiennes (des gitanes d'aujourd'hui), débouchent dans le val ; défense leur est intimée d'y demeurer.
Un fait divers que relève la chronique de 1593 : Jean Margol, de Lièpvre est puni de cinq francs d'amande pour avoir reçu un nécromancien qui devait l'aider à retrouver des bourses perdues.
Comment ne pas tirer de là que la tradition s'est quelque peu transmise à travers les siècles, si l'on songe à la crainte irraisonnée que l'on porte toujours à l'endroit des gitans ?
Economie
Peuplé de 300 familles avant l'incursion des Suédois, Lièpvre n'en compte plus que 108 en 1708. Sur quoi, le duc Léopold, par lettre patente du 28 septembre 1711, prend des mesures spéciales : création d'un marché qui se tiendra tous les jeudis et trois fois par an dans le bourg (11 mars - 26 juillet - 22 octobre) ; octroi d'une année de franchise d'impôt à tous les étrangers qui décideront d'y construire leur maison. De fait, l'essor renaît puisque la commune compte déjà 220 familles à la fin du XVIIIe siècle, toutes catholiques.
L'activité se porte principalement sur les mines de Musloch, le travail artisanal du bois, la petite industrie : scieries, moulins. En 1708, on dénombre dans l'agglomération de Lièpvre seule, quatre moulins et cinq scieries, mus, il va de soi, par la Liepvrette.
Forêts et pâturages
Le prieuré Saint-Alexandre, puis la commune qui prend le relais du monastère, possèdent une riche propriété foncière qui leur valent parfois des démêlés avec leurs voisins. Le domaine de Lièpvre ne tarde pas à s'amenuiser dès la chute de l'influence des moines (1502-76). La commune passe, en 1718, des accords avec Bergheim, St Hippolyte, Orschwiller, propriétaire indivis de la forêt D'Hinterwald où un droit de pacage lui est néanmoins reconnu ; les mêmes accords lui reconnaissent la forêt de Spiémont allant du rocher de Rammelstein au ban de Ste Croix.
Les bois communaux sont peu étendus en 1606 : nous en voyons la preuve dans une requête présentée au Chapitre St Georges de Nancy, d'où il ressort que les matériaux nécessaires aux constructions ne peuvent y être trouvés en volume suffisant.
Les chiffres ci-après permettent de se faire une idée de l'évolution du domaine foncier entre le XVIIIe et le XXe siècle :
Situation déclarée en hectares :
En 1708 | En 1963 | |
Bois et forêts |
125 |
641 |
Pâturages et près |
1 |
415 |
Ces chiffres sont significatifs des doléances émises par Lièpvre au début du XVIIIe siècle ; les forêts immenses léguées par Fulrade ont en effet fondu comme neige au soleil.
La commune de 1963 fait état d'un patrimoine très moyen, modeste, et sans commune mesure avec celui de ses voisins qui touche parfois ses abords immédiats.
Un mot encore. A circuler par les forêts d'alentour, on se prend à admirer le soin qu'ont déployé les propriétaires fonciers d'autrefois pour délimiter leurs biens. Les randonneurs épris d'espace et de curiosité, voudront sûrement découvrir sur les hauts du Chalmont, vers le Rocher du Coucou, certaine ligne de bornes de grès rouge qui ne laissent pas de surprendre, en ce sens qu'elles constituent plutôt une œuvre d'art. Avec un peu d'attention, on remarquera en effet, outre une sculpture soignée, des armoiries pour nombre d'entre elles.
Enseignement
Quelques précisions sur l'organisation de l'enseignement sans qu'il soit possible de dater la première école dans le val. Ce qui paraît évident, c'est que les moines de Saint Alexandre sont les premiers enseignants, aidés et suivis par les prêtres de la « cella », plus tard de l'église paroissiale. Rien que de très normal dans une région qui trouve dans l'église son meilleur recours.
Au 18e siècle, tout paraît bien codifié : en 1762, Lièpvre compte un maître et un sous-maître d'école, rétribués par les habitants selon leur fortune, généralement partie en seigle, partie en argent. Au surplus, chaque semaine, les élèves sont tenus de leur verser un « écolage » ainsi fixé :
un sou, trois deniers pour ceux qui apprennent à lire ;
un sou, six deniers pour ceux qui apprennent à écrire ;
deux sous, trois deniers pour ceux qui abordent l'orthographe, le calcul et le chant.
Les classes vont obligatoirement de la Saint-Martin (11 novembre) à la Saint-Georges (23 avril). Enfin,en plus de cela, le maître d'école chante aux offices, sonne les cloches, remonte l'horloge de l'église et reçoit une rétribution pour ces charges.
Autour de Charlemagne
Quelques chroniqueurs prétendent, sans toutefois en apporter la preuve, que le chœur de l'église du monastère St-Alexandre renfermait un mausolée sur lequel, vu de profil, était sculpté un buste de jeune femme, portant une longue tresse de cheveux et qu'il s'agissait là d'une fille de Charlemagne, morte à la fleur de l'âge.
Il n'en fallait pas davantage pour que se répandissent des légendes qui, naguère encore, avaient cours dans le Val, celle entre autres de la blanche apparition, les soirs d'hiver, sous la lune...
Pour Charlemagne en propre, certain récit non moins inventé, le montrerait assis sur son trône au pied de la montagne de Lièpvre, le Chalmont, en passant en revue ses soldats.
L'affaire des Armagnacs (1444-1445)
Relevons une date de triste mémoire s'il en fut dans l'histoire de la vallée avec la défaite des Armagnacs, milice irrégulière formée de mercenaires de diverses nations : anglais, écossais, français, dont les Armagnacs, sans doute, bandes de partisans qui mirent à feu et à sang la Haute-Alsace.
Conduite par le Dauphin Charles VII le Victorieux, cette armée bariolée entre en Alsace en 1444, ravageant, pillant, incendiant tout ce qui s'oppose à la seule soumission exigée.
Lièpvre opte pour la sage prudence afin d'éviter le pire et donc, se soumet. Aussi bien, les Armagnacs se retirent l'an d'après, traversant la vallée et précisément Lièpvre le jeudi d'avant les Rameaux. C'est alors que se placent deux sanglants épisodes :
Cuisante défaite infligée aux Armagnacs : La retraite de la troupe du Dauphin manque sans doute aux plus élémentaires règles de sûreté dans cette coulée du Val propice aux traquenards. Toujours est-il qu'à l'exemple des Vascons à Roncevaux, les soldats de Sélestat, aidés par les paysans des Val de Villé et de Lièpvre transformés en maquisards, saisissent l'occasion et attaquent par surprise. Rochers et troncs d'arbres sont projetés du haut de la montagne. Les pertes sont lourdes dans la colonne qui prend désormais une allure de reflux : près de 300 morts dont un duc et un landgrave écossais, et le maréchal de palais du Dauphin, beau-frère de Louis XI.
Les Armagnacs ainsi taillés en pièces ne cherchent point à tirer vengeance de cette dure leçon. Bien au contraire, ils franchissent rapidement les Vosges.
- Des représailles bien injustes : Le passage des Armagnacs se prolonge de façon inattendue : La troupe du comte palatin, de l'évêque et de la ville de Strasbourg se jette sur ceux qui ont fait acte de soumission à l'armée du Dauphin encore que, ayant recouru aux usages de bonne guerre, ils se soient largement ressaisis. Le résultat est rien moins que douloureusement affreux : destruction de Saint Hippolyte et de tout le Val de Lièpvre. La commune de Lièpvre est réduite en cendres de même que tous endroits habités. Nous ne savons rien de ce qu'il a pu advenir du monastère Saint-Alexandre ; tout au plus peut-on imaginer qu'il ne sort pas indemne de l'épreuve.